« Ce qui me bouleversait et me touchait tellement chez Guy, c’est qu’il ne se mettait jamais dans la position du Maître, de « celui qui sait » ! »

Danielle Proulx, comédienne et amie de Guy Corneau

J’ai connu Guy Corneau dans sa « première vie » alors qu’il avait fondé une troupe de théâtre « l’Organisation Ô » au début des années 70 et que j’ai rejointe à la fin de mes études à l’école de théâtre. Poète, dramaturge, auteur-compositeur, il a fait du théâtre musical, très en vogue dans ces années où l’affirmation de notre identité québécoise était au cœur de la vie culturelle, sociale et politique. Le Théâtre était sa première grande passion! C’est son état de santé qui l’a mené sur la voie de la psychanalyse, sa deuxième grande passion, pour comprendre ce que son corps exprimait à travers la maladie…

Son premier livre « Père manquant, fils manqué » sorti en 1989 a eu l’effet d’une bombe, parce qu’il rompait un silence millénaire sur le mal-être des hommes, sur les stéréotypes dans lesquels ils étaient enfermés et qu’il s’interrogeait sur la relation père/fils.  Et là son apport a été colossal, non seulement au Québec par le Réseau Hommes Québec qu’il a fondé, mais beaucoup en Europe, aux États-Unis et jusqu’au Japon. Ses conférences étaient très courues et les livres qui ont suivi, de grands succès. Il a été très prolifique et n’a jamais ménagé sa frêle monture l’ami Guy…

J’ai eu l’immense bonheur de le retrouver et de travailler à ses côtés, parce que le Théâtre lui manquait… il a alors décidé d’arrimer ses deux passions et a créé Cœur.com, un réseau qui réunissait des artistes de tous les domaines et des thérapeutes, pour donner des ateliers conjoints à partir d’ouvrages parfois littéraires ou mythologiques.

Ce fut pour moi des années de grandes expérimentations, on sortait des explications théoriques pour amener les gens à libérer leur créativité et trouver leur expression. La compréhension n’était plus seulement intellectuelle et psychologique, elle descendait dans le corps et le cœur et trouvait des ancrages précieux.

Ces séminaires d’une semaine, souvent dans la nature, avec plus de 120 participants et une trentaine d’animateurs étaient chaque fois une grande révélation pour moi.

La force du travail en équipe, le fait de s’ouvrir à d’autres sur nos peurs, nos blessures, nos traumatismes, les comprendre, les exprimer soit par la danse, le théâtre, la peinture ou autre, et ce en toute confiance, dans l’accueil, le respect et le partage, étaient extrêmement puissants, libérateurs et guérisseurs.

Ce qui me bouleversait et me touchait tellement chez Guy, c’est qu’il ne se mettait jamais dans la position du Maître, de « celui qui sait »!

Comme tout le monde, il avait ses failles, ses croyances, ses manques et il s’en ouvrait simplement. Ce climat unique de bienveillance et d’accueil qu’il installait m’a permis de me rencontrer avec plus de bienveillance et d’apprendre à m’aimer, à trouver mes ressources spirituelles et autres, à me connecter à ma joie et à accueillir tout ce que la vie met sur mon chemin comme une occasion d’évoluer.

Je crois que ces valeurs animaient déjà Guy quand il a créé le Réseau Hommes Québec, il y a 30 ans. Aujourd’hui notre société va à la dérive à bien des égards et je pense sincèrement que la mission de cet organisme est plus que jamais essentielle.

Longue vie à vous… et grand merci, cher Guy !

 

Danielle Proulx, comédienne