Nos renoncements de Julien Gravelle

Un collègue administrateur de Hommes Québec, Pierre Forest, m’a fait connaître ce texte publié en 2021 par un auteur qui œuvre dans sa région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, au sein du centre de ressources pour hommes Optimum.

Afin de vous inviter à une lecture plus exhaustive de ce livre merveilleusement rédigé, basé sur une importante recherche et une expérience significative et faisant état d’une très belle réflexion sur la masculinité et la violence, j’en partage ici quelques éléments réorganisés en thèmes qui me sont particulièrement chers.

Fernand Bélair
Administrateur, Hommes Québec

La masculinité et ses stéréotypes; la socialisation et ses conséquences

« La masculinité, c’est une pyramide de Ponzi! On adhère à des principes et comportements censés nous valoriser, mais faute d’être à la hauteur, on se retrouve bien souvent exclus et vulnérables. » (p.61)

« … parce qu’ils sont intériorisés par les individus, nous ressentons généralement de la honte ou de la culpabilité quand nous n’adoptons pas une attitude conforme aux attentes incarnées par les stéréotypes… les gars se définissent beaucoup par ce qu’ils possèdent et qui marque leur statut social. Ou par ce qu’ils sont capables de faire ou de subir. Très peu en revanche par ce qu’ils sont. C’est ce qu’on nomme le soi statutaire, par opposition au soi intime… C’est ça, aussi, un être de l’extérieur : un individu presque incapable de s’appuyer sur son intériorité pour affronter les difficultés de la vie… C’est terrible de ne pas savoir qui l’on est en dedans! La coquille est épaisse, mais elle est vide. » (p.70-72)

« … les hommes surinvestissent quatre valeurs que nous attribuons généralement à la masculinité traditionnelle. La première des grandes valeurs masculines est le stoïcisme… un gars, un vrai, est censé prendre de la distance par rapport à ce qu’il sent, ce qu’il éprouve, ce qu’il ressent… Apprendre à retenir l’expression de l’émotion est très important, c’est un marqueur de virilité… La seconde valeur est l’autonomie. Un homme doit savoir se débrouiller seul et ne pas demander d’aide… Les hommes demandent de l’aide quand ils y sont obligés, c’est-à-dire le plus souvent trop tard… La troisième valeur est la réussite, dont le corollaire est la compétition exacerbée… la quatrième valeur : l’agressivité… D’où vient que les hommes… ressentent ce besoin de ruer dans les brancards plutôt que d’admettre simplement qu’ils sont en difficulté… c’est évidemment la haine de la vulnérabilité! Véritable Bonhomme Sept Heures de la socialisation masculine, la vulnérabilité est perçue comme une faiblesse dévirilisante. Et c’est un problème, car reconnaître ses souffrances, sa tristesse ou sa peur, c’est tout à la fois se protéger et apprendre à respecter ses limites… » (p.73-77)

« Le sentiment de culpabilité se vit de l’intérieur, la honte de l’extérieur. Nous, les hommes, n’avons que trop peu le sens de la culpabilité, parce que nous n’avons pas celui des limites. » (p.92)

« … c’est moins l’existence d’un discours patriarcal qui laisserait croire aux hommes qu’ils ont droit de vie et de mort sur leur conjointe que la misère de la socialisation et de la construction des identités masculines que ce discours a engendrée au fil du temps. » (p. 142)

« … les hommes sont éduqués en fonction d’un stéréotype masculin qui valorise le fait de ne pas reconnaître les limites, ni les siennes ni celles d’autrui, … » (p.171)

« Être un garçon, comme l’écrit Steve Gagnon, c’est être intranquille. Ne pas se plaindre. Encaisser les coups. Absorber les normes de comportement qui nous éloignent de nos besoins les plus élémentaires : besoin du corps, comme ne pas souffrir ou se reposer, besoin de sécurité, de vivre pleinement ses relations affectives, etc. » (p. 189-190)

« Le stéréotype masculin modelé sur la figure héroïque du guerrier, du soldat, se construit par la lente érosion de ce qui fait de nous des humains. Notre capacité à nous émouvoir, à nous lier, à acquiescer s’efface devant la nécessaire obéissance à des codes et des idéaux qui ne servent pas nos intérêts propres. » (p.195)

La nécessité du changement

« Le mâle occidental de 2021 est sur le bout d’une planche et regarde ses orteils. Juste devant lui, il y a le vide et puis, un peu plus bas, l’eau translucide de la piscine. Chacun peut décider si le temps est venu de sauter pour mieux se réinventer ou s’il veut laisser la peur passer ses bras froids autour de ses épaules pour le convaincre de rester là. » (p.35)

« … la masculinité est en crise (de nouveau), et c’est une bonne nouvelle puisque justement on demande aux hommes de changer. » (p.40)

« Si on veut obtenir quelques résultats, il faut rapidement laisser tomber l’attachement aux rôles de genre, accepter de rogner un peu sur son autonomie en demandant de l’aide à ses proches, développer un sens de l’intimité et du toucher… » (p. 155)

« L’être du dehors ne semble pas si pressé d’investir le dedans où il se sent souvent si peu compétent… un homme ne meurt pas de ses émotions, mais il s’éteint doucement à les tenir éloignées. » (p.159)

« …le consentement, c’est l’art des limites, une langue qui n’est pas enseignée aux hommes. » (p.164)

« … le rapport masculin au sexe peut entraîner une confusion chez les hommes entre intimité et sexualité. » (p.167)

« Le soi intime, c’est la profondeur d’un individu, la connaissance qu’il a de lui-même, qui lui permet de s’adapter aux différentes situations provoquées par les aléas de la vie et surtout qui crée la possibilité de développer des relations profondes et authentiques avec les autres. » (p.168)